Le barbare érudit

Je mange du phoque cru avec mes mains en lisant du Baudelaire.

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Dans la peau

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J’ai longtemps hésité à publier cet article. Après tout, il ne parle que de moi, il est narcissique, il est centré sur mon petit nombril, comme si je m’attendais à ce que certains, certaines, s’intéressent à ce que j’ai à dire de moi.

Et comme je suis tout compte fait inactif ici depuis des années, qui viendra bien le lire?

Du même souffle, j’ai une histoire à raconter autour de ce deuxième projet de tatouage et je voulais vous la partager.

D’abord, j’aime les tatouages. Je trouve cette forme d’art intéressante parce qu’elle lie deux personnes, le tatoueur et le tatoué, au travers une oeuvre permanente qui reflète à la fois la vision du tatoué passée par le filtre du talent du tatoueur.

Ensuite, j’aime connaître l’histoire d’un tatouage. J’aime comprendre la genèse de l’oeuvre et l’inspiration qui y a mené. J’aime savoir ce qui motive quelqu’un à se faire marquer le corps de façon permanente. Je m’intéresse à l’individu qui se commet pour une œuvre qui n’est pas généralement sienne, mais qui reflète sa pensée, ses valeurs, sa vision du monde. Pourquoi un tatouage?

C’est dans cette optique que je me prête au jeu de vous raconter ce qui me motive et ce qui explique mes propres tatouages. Je l’ai fait avec mon premier, Une charogne inspiré de l’œuvre de Baudelaire, je le fais encore avec celui-ci.

Comme vous le savez si vous avez lu mon blogue à quelques reprises, j’ai vécu au Nunavik durant 14 ans. Dire que ma vie a été influencée par ce séjour est un euphémisme. On ne passe pas 14 ans de sa vie dans un milieu sans en garder des traces profondes et indélébiles.

J’ai vraiment aimé vivre dans ce coin de pays. J’y ai rencontré des gens extraordinaires qui, malgré les chemins cahoteux qu’ils doivent chaque jour affronter, gardent le sourire et la mine joyeuse. Je m’ennuie d’eux, de ces paysages blancs jusqu’à l’infini, des longues randonnées en motoneige, de la chasse au lagopède, du camping, de l’esprit communautaire, des « feasts », des soirées d’été qui n’en finissent plus de voir le soleil se prélasser à l’horizon, refusant de se coucher.

Et parce que je ne veux jamais oublier cet univers qui m’est si cher, j’ai voulu, à ma manière, lui rendre hommage avec ce projet.

Il n’y a, à mon humble avis, pas de symbole plus emblématique de la nordicité que l’ours polaire. Mais pas l’ours polaire émasculé des publicités de Coke, ni celui gentil gentil des émissions pour enfant. Je parle de la bête terrible, imposante, à la fois puissante et fragile, celle qui effraie et fascine tout aventurier de la toundra.

J’ai donc proposé à mon tatoueur, Greg Laraigné du studio Imago, ce projet de demi-manche. Nous nous sommes assis ensemble à l’été 2017 et nous avons discuté du projet. Les idées ont fusé, il a noté et nous nous sommes donné rendez-vous en octobre 2017 durant le weekend de l’Action de grâce.

Nous avions prévu deux sessions de suite samedi et dimanche, deux sessions de 5 à 6 heures afin de terminer le projet d’un seul coup. On y va intensément!

Environ deux semaines avant le rendez-vous, il m’a envoyé le dessin de la bête. Et j’en suis tombé sur le cul. C’est comme s’il lisait dans mes pensées.

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Il a su saisir l’esprit de ce que je recherchais. Vous savez, cette idée insaisissable qu’on n’arrive pas à exprimer correctement. Mon tatoueur s’est approprié mes mots et en a exprimé la vision que je recherchais. Cette idée a pris forme au travers son travail d’artiste. Comme la première fois avec mon tatouage du poème Une charogne.

Un ours sauvage, brut, couvert du sang d’une proie. Et le crâne d’un caribou sur lequel il reste quelques lambeaux de chair. C’est magnifique!

Mais c’est une fois l’encre profondément dans la peau que l’œuvre prend tout son sens.

Laissons les images parler d’elles-mêmes.

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Je suis très fier du résultat et, encore une fois, Greg a dépassé mes attentes.

Quant à cet hommage, je vous laisse le soin de juger de sa qualité, de sa pertinence et de sa réussite.

Le Nunavik, je l’ai dorénavant littéralement dans la peau.

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15 février 2018 at 7 07 19 02192

De la procrastination

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Vous ne connaissez peut-être pas John Perry. Je ne le connais pas non plus, mais cet homme, professeur de philosophie à Stanford, a écrit en 1995 un texte fondamental s’adressant à tous les procrastineurs de la planète : Structured Procrastination.

Dans cet essai, Perry explique que tout procrastinateur évite de faire ce qu’il doit faire en s’attardant à faire autre chose. Il propose donc une méthode pour arriver à faire ce qui doit être fait en hiérarchisant ce qu’il y a à faire de telle sorte que le procrastinateur peut éviter de faire la première chose de sa liste en faisant les autres moins importantes.

OK, on s’entend, il s’agit de jouer avec la notion d’importance et l’ordre des choses à faire. Mais, comme le dit Perry, tous les procrastinateurs sont passés maîtres dans l’art de s’autotromper !

Pourquoi j’aborde ce sujet ? Parce que je suis un procrastinateur de premier ordre ! J’aime perdre mon temps, ne pas faire ce qui doit être fait et remettre à demain ce qui devait être fait hier. Ben oui, je me connais et je m’autodiagnostique très grand procrastinateur.

Donc, on pourrait croire que la méthode Perry fonctionnerait parfaitement pour moi. Mais non. Elle ne fonctionne pas du tout. Je rationalise trop ce que je dois faire et je n’arrive pas à m’autotromper comme le suggère Perry. Je sais que je triche et donc il me faut me trouver une autre méthode pour arriver à faire ce que je dois faire dans les délais prévus.

J’ai donc développé avec les années la méthode du champ de post-it. Qu’est-ce donc que le champ de post-it ? C’est très simple. Sur mon bureau, j’ai toujours sous la main plusieurs paquets de post-its. La couleur importe peu. À chaque fois qu’une tâche s’ajoute à ma « liste » (je ne fais pas de liste, mais vous comprenez le principe), je l’inscris sur un post-it que je colle sur mon bureau.

C’est ici que la magie opère. Il ne doit y avoir aucun ordre, aucune structure, aucun classement. Les post-its sont placés pêle-mêle sur mon bureau et forment un champ. Le champ de post-it. Certains peuvent en couvrir d’autres, il peut y avoir plus d’une tâche sur un même post-it, même si généralement je tente d’éviter ça. Aussi, j’évite d’associer une couleur à un type de tâche. Il ne faut pas qu’il y ait d’organisation, c’est crucial pour que mon système fonctionne.

Pourquoi il ne faut pas qu’il y ait d’organisation, de structure, de hiérarchie ? Parce que ça m’obligerait à entrer dans le mode de fonctionnement de Perry et je sais déjà que ça ne fonctionne pas pour moi. Sans structure, je suis libre de faire n’importe quelle tâche sur mon bureau à n’importe quel moment. Surtout, je n’oublie pas ce que je dois faire et les post-its sont là comme un rappel permanent de ce qui m’attend.

De plus, je peux ajouter des commentaires, des notes à mes post-its et bien sûr, il n’y a rien de plus satisfaisant que de prendre un post-it lorsqu’une tâche est accomplie et de la jeter au recyclage ! Le geste est jouissif, un renforcement positif nécessaire et apprécié.

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25 octobre 2014 at 18 06 58 105810

Publié dans Réflexion

L’ancre infantile

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Les enfants sont des ancres.

Pour certains, les enfants sont une ancre rassurante et confortante qui permet d’amarrer sa vie au port de l’avenir.

Pour d’autres, ils sont une ancre qui les empêche de naviguer selon leurs désirs.

Je préfère certains à d’autres.

Written by Le barbare érudit

2 octobre 2014 at 21 09 12 101210

Publié dans Réflexion

Sous la brume

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En regardant dehors ce matin, une brume épaisse couvrait le village. Un voile qui ne laissait voir ni la mer, ni la forêt. La mer envahissait Natashquan de la même façon qu’on attend les fantômes.

La première strophe du spleen de Baudelaire s’est imposé à mon esprit.

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits;

Certains sacrifices sont parfois plus difficiles que d’autres. Et on s’interroge sur les raisons qui nous poussent à les faire. Les milles raisons qui se bousculent dans mon esprit ne sont au fond que de plates excuses.

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15 septembre 2014 at 18 06 09 09099

Flash. Fini.

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Apparemment, Adobe s’apprête à baisser les bras en ce qui concerne sa plateforme Flash sur les appareils mobiles.

Ainsi, Steve aura eu raison et Flash disparaît du paysage techno sur les appareils mobiles. Et ben, quel revirement! Remarquez qu’on entendait de moins en moins parler de la controverse entourant l’absence de Flash sur les appareils roulant iOS d’Apple depuis un bon p’tit bout. Preuve que la technologie ne manquait pas à grand monde.

Cela dit, il est peut-être pertinent de s’interroger sur l’avenir de Flash en général. Je crois qu’en un sens, Adobe vient de reconnaître non pas la défaite de Flash sur internet comme outil de design web, mais bien que nous sommes arrivés à un tournant et qu’il est temps de passer à une autre technologie, html5, plus ouverte et moins hypothéquante.

Pourquoi je dis ça? Tout le monde s’entend pour dire que l’accès à internet via les appareils mobiles ne fera qu’augmenter avec le temps, ce qui fait qu’on peut affirmer qu’avant longtemps la majorité des gens accédera à internet à partir de leur appareil mobile, surpassant ainsi les accès à partir des ordinateurs normaux.

Or, bien peu d’organisations voudront maintenir deux versions de leur plate-forme web, une pour les appareils mobiles et une pour les ordinateurs normaux. Et comme la majorité des accès se fera à partir d’appareils mobiles, Flash deviendra un handicap dont il faut se débarrasser.

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9 novembre 2011 at 7 07 29 112911

Publié dans Réflexion, Techno

La première fois

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Le 6 octobre au matin, je me souvins de la première fois où je me servis d’une souris.

J’étais en secondaire 5. Je faisais partie de l’équipe chargée de produire l’album étudiant de l’école où j’allais. Mais ce n’est pas ce sur quoi je travaillais ce jour-là. Je rédigeais plutôt un texte que je devais remettre à mon enseignante de français. Un travail d’équipe. Nous étions trois dans l’équipe. Nous rêvions tous de carrière en ingénierie. Nous nous imaginions déjà en train de concevoir les grands projets qui allaient révolutionner le monde. Comme tous les jeunes de notre âge.

Je me souviens encore que nous avions sélectionné tout le texte avec la souris et que nous avions joué avec les polices disponibles. Il n’y en avait que quelques-unes. De voir le texte se transformer sous nos yeux, là, à l’écran, nous étions fascinés, hypnotisés. C’était littéralement magique.

Nous décidâmes, à la blague, de choisir une police de symboles et d’en remettre une copie à l’enseignante pour le simple plaisir de voir sa réaction. Nous fîmes donc imprimer cette version de notre texte que nous remîmes à notre enseignante.

L’incrédulité que nous lûmes sur son visage! L’incompréhension totale face à cette page couverte de symboles incompréhensibles, nous nous mîmes à rire à gorge déployée, content de notre coup. Nous lui remîmes une version plus lisible de notre texte.

Vous aurez compris que cette souris était branchée à un ordinateur Macintosh d’Apple. Vous savez, ces vieux Mac classiques avec la souris rectangulaire et l’écran en ton de gris. Ils étaient beiges avec des lignes bien définies, droites, un design intemporel.

Évidemment, la vie n’est pas une ligne droite. C’est une route sinueuse où les intersections sont légions. Et comme la destination n’est jamais connue d’avance, on avance à tâtons en espérant ne pas trop se tromper. Je ne suis pas devenu ingénieur. Je n’ai pas révolutionné le monde. Et bien malin qui aurait pu prévoir qu’aujourd’hui, je me retrouverais à vivre au Nunavik depuis onze ans.

J’utilise toujours les produits Apple qu’a créé Steve et son équipe. Je les utilise et ils m’aident tous les jours dans mon travail et dans ma vie personnelle. Ils m’aident à me rapprocher de ma fille qui étudie au Sud, loin de nous. Ils m’aident à coucher virtuellement mes idées, mes projets. Ils m’aident à me tenir informé, à écouter de la musique, à préparer à manger, à lire. À écrire.

Rien ne nous dit que nous n’en serions pas là si Steve n’avait pas existé et nous ne le saurons jamais. Mais nous savons que grâce à lui, nous y sommes et nous y sommes élégamment.

Merci Steve.

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9 octobre 2011 at 13 01 11 101110

Publié dans Réflexion, Techno

Une nouvelle grande noirceur

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Quelques nouvelles glanées sur cyberpresse cette semaine. Toutes très intéressantes.

On lit cette liste de nouvelles portant sur la politique fédérale et qui touche toute à la façon conservatrice de gouverner le pays et on se dit que… on se dit quoi, au juste? Que c’est ce qu’on cherche?

On a l’impression de retourner à la grande noirceur, version canadienne, avec Harper dans le rôle de Duplessis.

Un pays où la loi et l’ordre règnent en maître alors même que la criminalité ne cesse de diminuer, alors qu’il a été maintes fois démontrées que l’approche punitive préconisée par les conservateurs ne donne pas les résultats escomptés.

Un pays où on remet en question l’indépendance judiciaire en convoquant un juge devant un comité parlementaire.

Un pays où le drapeau revêt plus d’importance aux yeux du gouvernement que tout autre enjeu à tel point qu’il faille en faire l’objet d’un culte délirant. Ne faut-il donc pas se méfier de l’idolâtrie? Pour des chrétiens fondamentalistes tels qu’ils le sont, les conservateurs font une lecture bien particulière de la bible s’ils se permettent d’élever le drapeau canadien au rang d’idole qu’on ne peut interdire…

Un pays où les dirigeants, pourtant de simples élus, agissent comme des souverains à qui il faut obéir en répondant à leurs moindres désirs, aussi futiles dérisoires soient-ils.

Voilà exactement le genre de chose que je craignais avec l’arrivée au pouvoir des conservateurs. On se croirait aux États-Unis avec les dirigeants du Tea Party en train de lancer le pays en plein délire idéologique.

Je sais, j’exagère un peu, mais il n’en demeure pas moins que c’est ce qui ressort de ce genre d’action. Et c’est la perception qui compte ici. Sauf que cette perception s’en trouve renforcée par des actions concrètes qui ne laissent guère autre chose qu’un arrière-goût désagréable d’une régression rapide vers une société moins juste, moins socialement évoluée.

Cependant, nous avons pu apercevoir une petite lumière au travers toute cette noirceur. Dans un jugement extraordinaire de lucidité et de retenu, le plus haut tribunal au pays vient de donner raison à Insite, cet organisme qui, réalisant qu’il vaut apprendre aux gens à faire les bons choix plutôt que de les empêcher de faire les mauvais, s’assurait au moins d’offrir des conditions salubres pour que des toxicomanes puissent se piquer en toute sécurité, fasse au gouvernement conservateur. Il s’agit d’une victoire importante pour la société en entier en même temps qu’une véritable gifle au visage des conservateurs.

La semaine n’aura pas été que noire…

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30 septembre 2011 at 20 08 46 09469

11 septembre 2001

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Je me trouvais au Northern avec mes élèves de cheminement particulier dans le cadre d’une activité où ils devaient faire une épicerie fictive avec un budget limité lorsque le gérant, que je connaissais bien, mais que je comprenais difficilement tant son accent terre-neuvien était prononcé, vint me voir pour me dire qu’un avion avait frappé le World Trade Center.

J’avais bien remarqué en entrant les téléviseurs allumés, mais je n’avais pas porté attention aux images qui s’y trouvaient. Mais là, je me suis rapproché de ces écrans pour tenter de donner du sens à ce tourbillon qui n’en faisait pas. J’ai demandé à mes élèves de terminer l’activité, car nous devions retourner en classe et c’est là que, « live », un autre avion est entré en collision avec une des deux tours.

J’en étais sous le choc. Nous sommes rentrés à l’école et j’ai commencé à informer mes collègues de ce qui se passait. Personne ne semblait comprendre ce que je racontais tellement la chose paressait grosse, énorme, improbable, impossible. Pourtant, c’était la vérité. Tout au long de la journée et de la soirée, j’étais une éponge en quête d’eau. Je voulais savoir, comprendre, je cherchais de l’information, mais celle-ci était évasive, elle ne percolait qu’à très petites gouttes jusqu’à nous.

Je n’oublierai jamais ce matin d’automne frais et pluvieux.

Written by Le barbare érudit

11 septembre 2011 at 9 09 01 09019

Publié dans Réflexion, Vie boréale

« Aussi vaste la noirceur, nous en sommes la source de lumière »

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Je ne peux m’empêcher de donner suite à ce que j’écrivais au sujet de la mort ici sans citer Kubrick :

PLAYBOY: If life is so purposeless, do you feel that it’s worth living?
KUBRICK: Yes, for those of us who manage somehow to cope with our mortality. The very meaninglessness of life forces man to create his own meaning. […] The most terrifying fact about the universe is not that it is hostile but that it is indifferent; but if we can come to terms with this indifference and accept the challenges of life within the boundaries of death — however mutable man may be able to make them — our existence as a species can have genuine meaning and fulfillment. However vast the darkness, we must supply our own light.

Trouvé sur Daringfireball.

Written by Le barbare érudit

25 août 2011 at 13 01 30 08308

Publié dans Réflexion

Les grosses godasses

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« Ouain… t’as une grosse paire de souliers à remplir, mon homme… »

Rarement un poste est-il créé de toutes pièces pour un individu. Ça arrive dans de rares occasions qu’on aille créer de nouveaux postes afin de rendre compte d’une nouvelle réalité, une nouvelle structure hiérarchique, ou encore pour s’assurer d’obtenir les services de quelque individu extraordinaire. Mais c’est plutôt rare.

La plupart d’entre nous qui accédons à des fonctions supérieures à l’intérieur des organisations pour lesquelles nous travaillons y arrivent en remplacement d’un autre parti ailleurs ou plus haut. Un individu promu ou qui quitte doit être remplacé, ce qui implique l’arrivée d’un petit nouveau.

Il arrive que certains leaders en quittant laissent derrière eux une terre brûlée et aride ayant semé discord durant leur mandat. Leur remplaçant sont alors attendus en sauveur, en messie et il leur est d’autant plus facile de succéder à de tels individus qu’ils auront été mal aimés.

Ce n’est pas le cas de tous par contre. Un grand nombre de leaders auront au contraire été aimés et appréciés autant pour leur qualité de dirigeant que pour le côté rassembleur qu’ils auront démontré. Aimé, adulé parfois, les remplacer n’est pas un défi, c’est une tâche pratiquement impossible.

D’où cette expression trop souvent entendue de la grosse paire de godasses à remplir…

Je pense ici au directeur d’école pour qui j’ai travaillé à Kangiqsualujjuaq, Jean Leduc. Il a été littéralement adulé par tous ceux qui sont passés par là au cours des années. Humain, respectueux, il possédait ce rare don de faire sentir à tous ceux qui entraient dans son bureau qu’ils étaient les personnes les plus importantes au monde avec une écoute active et une attention soutenue.

Évidemment que d’arriver à remplacer un tel monument est difficile, voir impossible. Et que le simple fait de prétendre le faire soit voué à l’échec. Il n’y aura toujours qu’un seul Gandhi!

Je prétends que c’est la mauvaise approche à emprunter lorsqu’on doit remplacer quelqu’un. En fait, je prétends qu’on ne remplace jamais personne, on ne fait que reprendre le poste. La nuance est importante.

Voici comment je vois ça. L’idée est de ne pas se voir comme un remplaçant de son prédécesseur, mais bien comme étant un agent de changement. Il faut s’approprier le nouveau poste, il faut le faire sien.

Au lieu de se comparer à qui était là avant nous, il faut d’abord prendre le temps d’apprivoiser les pratiques et le milieu de travail. Il faut apprendre à connaître son personnel ainsi que ses collègues de travail. Bref, il faut se laisser imprégner par la culture de l’organisation. Il faut que cette dernière percole en nous et que nous l’intégrions.

Seulement une fois cela fait peut-on passer à la seconde étape, celle d’imposer un changement de culture qui reflétera notre propre vision du travail qu’on nous a confié. Et c’est en ce sens que je prétends que nous ne remplaçons jamais quelqu’un, nous prenons place et faisons nôtre une position avant occupée par notre prédécesseur.

Bien sûr, on ne parle pas nécessairement ici de chambardement majeur. Il peut arriver qu’un tremblement de terre soit la seule solution possible à une situation particulière, mais généralement, ces changements de vision, cette nouvelle approche doit se faire dans un esprit d’ouverture et de collaboration avec l’équipe déjà en place.

Pourquoi parlè-je de ça là, aujourd’hui? C’est bien simple. La mort de Layton m’a rappelé que personne n’est éternel et qu’il y aura toujours quelqu’un pour nous suivre lorsque nous aurons quitté. Il ne s’agit pas qu’on nous remplace, mais bien qu’on prenne notre place, qu’on forge à grands coups de marteau sur l’enclume notre propre paire de godasses qu’on mettra à la place de celle qui était là avant.

Written by Le barbare érudit

23 août 2011 at 15 03 07 08078

Publié dans Management, Réflexion