Le barbare érudit

Je mange du phoque cru avec mes mains en lisant du Baudelaire.

À propos…

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D’août 2000 jusqu’en juin 2009, je travaillais en tant qu’enseignant dans la communauté de Kangiqsualujjuaq. J’enseignais auprès des jeunes inuit du village. Cette communauté est située dans la baie d’Ungava, dans la région du Québec connue sous le nom de Nunavik. Nous sommes à environ 160 km à l’est de Kuujjuaq.

Or, cédant à la tentation d’imposer un virage à ma carrière, j’ai décidé d’accepter une offre de devenir directeur d’école à Quaqtaq. J’avais besoin d’un nouveau défi, l’enseignement ne me motivant plus autant qu’à mes débuts. Comprenez-moi bien : je ne prétends absolument pas avoir fait le tour de cette merveilleuse profession ni ne crois avoir atteint un sommet dans l’art de transmettre des connaissances à des jeunes avides de les recevoir. C’est que, comme plusieurs autres, je croîs au contact du chaos, j’aspire à de nouveaux défis et je ne me réalise pleinement que lorsque je suis confronté à des situations difficiles qui me déstabilisent. La routine m’ennuie, m’endort, me tue à petit feu et c’est ce que j’avais l’impression de vivre en tant qu’enseignant.

Je suis donc directeur d’école à Quaqtaq en août 2009.

J’ai choisi de venir m’installer ici avec ma famille parce que j’ai toujours été attiré par cette région. Le Nord, le froid, les interminables nuits d’hiver, les longues journées d’été. J’y ai découvert un univers aussi déstabilisant que beau. Une beauté brute, sauvage, indomptée. Une beauté dure et impitoyable. Une beauté qui vous agrippe avec une force incroyable et qui ne vous laisse plus vous enfuir. Une beauté de glace, une beauté blanche, une beauté infiniment grande et infiniment intime. Une beauté comme je les aime.

J’y ai aussi découvert un univers abandonné par le Sud. Un univers laisser à lui-même qui ne peut désormais plus vivre sans tout ce que le Sud emmène semaine après semaine, mois après mois, année après année. Un univers dépendant d’un Sud qui n’en a rien à faire. Un dépendant affectif d’une femme qui ne l’aime plus.

Les choses ne se sont pas terminées là. Mon cheminement professionnel s’est poursuivi. En août 2011, j’ai été nommé responsable des TI pour la commission scolaire Kativik et je suis déménagé à Kuujjuaq. Jusqu’en juin 2014.

Depuis août 2014, je suis directeur de l’école Roger-Martineau à Natashquan. Je suis revenu à mes amours, l’éducation, l’école, et je vais voir ce que ça va me donner. Aussi, en mettant entre parenthèse mon aventure boréale, je reprends contact avec le Sud, avec la vie dans une commission scolaire « normale », mais pas trop. Natashquan, tsé, c’est quand même pas Anjou…

J’espère que mon métier m’aide à faire changer quelque chose, aussi petite soit cette contribution. J’espère faire une différence. Mais je crois que j’en ai plus à apprendre d’ici que le contraire.

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Written by Le barbare érudit

1 décembre 2008 à 20 08 58 125812

12 Réponses

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  1. Les gens qui, comme toi, laissent tout pour migrer dans une communauté éloignée, tenter de s’intégrer, se faire accepter, et aider du mieux qu’ils le peuvent ont toujours eu mon admiration. Je crois qu’au fond de moi j’aimerais trouver le courage pour faire la même chose.

    Ta phrase finale me semble terriblement vraie, ces gens ont énormément à nous apporter de par leur culture, leur lien à la Terre. Il est impossible de ne pas changer au contact de ces peuples, qu’ils soient du grand nord, de l’Afrique ou des fôrets profondes de l’Amazonie.

    Notre société fait trop souvent figure d’imbécile heureux à côté de ces gens pleins de sagesse…

    lionne

    18 octobre 2009 at 9 09 45 104510

  2. Merci Lionne pour ton très beau commentaire.

    Ça me touche que tu me portes de l’admiration. Mais franchement, et je le dis sans fausse modestie, je n’ai pas de mérite. J’aime ça ici. Et je crois que j’en retire beaucoup. Ce n’est pas un sacrifice pour moi. Et, au fond, c’est ce que je sais faire : c’est mon métier, ma carrière.

    lebarbareerudit

    18 octobre 2009 at 10 10 16 101610

  3. WOW!
    C’est la première fois que je lis ton blogue, je me suis alors dit que ce serait bien si j’allais lire ton profil.
    Je suis très impressionnée par ton choix d’aller enseigner si loin dans une communauté où il semble y avoir beaucoup de problèmes.
    C’est certain que tu vas faire une différence, aussi minime qu’elle puisse être comme tu le dis, mais une différence tout de même. Seulement avec ton désir d’aider les autres, c’est ce qui peut marquer la vie de tes élèves, de leurs parents, de la communauté.
    Bonne continuation!

    Mademoiselle B

    6 novembre 2009 at 16 04 26 112611

  4. Bienvenue, Mademoiselle B. J’espère que tu te plairas ici.

    Je devrais faire une mise à jour de ce « À propos » puisque les choses ont changé depuis. Je n’enseigne plus, je suis maintenant directeur d’école à Quaqtaq, une autre communauté du Nunavik. Et, si tu lis plusieurs de mes billets, ma femme est encore à Kangiqsualujjuaq où elle enseigne. Nous sommes donc séparés pour cause professionnelle.

    Merci de tes bons mots. Tu as un blogue fort intéressant aussi!

    lebarbareerudit

    6 novembre 2009 at 18 06 10 111011

  5. je suis formateur professionnel en france (ancien directeur de service enfance-jeunesse et d’associations)
    depuis la fac… il y a longtemps

    vous avez travaillé ailleurs avant ?
    olivier

    unouveaucompte

    7 novembre 2009 at 18 06 23 112311

  6. je vais lire votre blog demain

    çà m’impressionne vu de france (même si j’ai beaucoup voyagé – je connais le québec mais pas si loin)

    http://www.cg61.fr/ voilà mon département!

    unouveaucompte

    7 novembre 2009 at 18 06 38 113811

  7. En tant qu’ex-enseignante, je trouve admirable de foncer vers un défi aussi grand. J’ai déjà eu cette envie d’aller enseigner dans le nord, j’ai entendu toutes sortes d’histoires! Mais je n’ai pas eu le « guts » de le faire. Trop attachée à ma belle Montréal pour m’en aller…

    Magenta

    11 novembre 2009 at 10 10 10 111011

  8. Merci d’avoir un blog interessant

    jozzy-online

    28 février 2010 at 13 01 01 02012

  9. mais mais mais alors… tu dois connaître Moukmouk ?!
    j’adore ce gros-Ours blanc !

    longue vie aux Inuit!

    BM

    Beautymist

    24 avril 2010 at 14 02 41 04414

  10. Depuis longtemps fascinée par les extrêmes… Nord et sud. Deux phrases dans ton texte me paraissent résumer très bien ta vie : « le contact du chaos » et aussi cette dernière « j’ai plus à apprendre ici que le contraire » Oui, j’en suis certaine. Après trois ans au Congo en famille et malgré la guerre civile(il y a 15 ans) je vois très bien ce que tu veux dire. Tu ne seras jamais plus le même …
    Ravie de découvrir ton blog et ces images du grand Nord qui me font rêver.
    A bientôt
    Sybille

    sybille

    4 juin 2010 at 3 03 56 06566

  11. J’aime les gens qui sortent de l’ordinaire. Qui ont foncé dans l’inconnu. Qui s’y sentent bien. Ça doit me rendre un peu mélancolique des choses que j’aurais aimé faire !

    J’aime beaucoup ce que tu écris. J’espère que ta femme et toi arrivez à vous voir au moins un peu !!

    J’avais un ami, il y a longtemps, qui a passé quelques années dans le nord aussi, comme enseignant. Pour lui, ça s’est moins bien passé.

    Contente que tu te plaises là où tu es. C’est ça l’important.

    Je trouve que professeur, c’est un des plus beaux métiers du monde, même si ces dernières années, ça semble être très très difficile de garder sa motivation. Je ne sais pas si c’est à cause de la nouvelle génération d’enfants, ou de la nouvelle génération de profs.. je préfèrerais quand même que mes enfants aient la chance d’avoir des professeurs allumés, qui ont de l’expérience, de l’énergie et la passion de leur métier, la vocation.

    C’est ce que j’ai eu moi, à une certaine époque, et ça m’a tellement donné le goût d’apprendre.

    L’apprentissage, sous toutes ses formes, c’est ça la vie.

    Bonne continuation, le barbare!

    Charlotte

    15 août 2010 at 11 11 24 08248


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