Le barbare érudit

Je mange du phoque cru avec mes mains en lisant du Baudelaire.

L’Âge de la plénitude

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Plénitude : État de ce qui est dans sa totalité, dans son intégralité. (Dictionnaire Antidote)

Ma mère me racontait que lorsqu’elle était plus jeune, disons cinq ou six ans, sa propre mère devait l’attacher à la rampe de la galerie de la maison de peur qu’elle ne se sauve pour aller voir ses amies ou encore les voisins qu’elle aimait bien. Ce trait de caractère de ma mère la définit totalement. Elle ne pourrait vivre sans le contact humain, sans savoir qu’elle peut à tout moment passer quelques heures en compagnie d’une amie, d’une confidente. Que ce soit lors de ses soirées « darling » où elle et quelques initiées se retrouvent pour parler de tout et de rien ou encore lorsqu’elle passe des heures au téléphone à s’informer auprès d’une de ses soeurs des dernières nouvelles de la famille.

Il ne pourrait y avoir plus grand contraste avec ma fille. Aujourd’hui, elle ne rencontre pratiquement jamais ses amies préférant se recroqueviller devant son écran d’ordinateur bien assise sur le divan, les écouteurs enfoncés dans les oreilles à clavarder. Elle fait tout en ligne. Elle échange et se renseigne sur la vie communautaire auprès de ses nombreux contacts; elle achète sa musique; elle entretient sa page « facebook », « bebo » et je ne sais quoi encore; elle cherche des informations sur ses groupes de musique préférés, sur ses idoles du cinéma, sur le dernier roman de la série « Twilight ». Elle mène une vie branchée sur l’internet. Une existence virtuelle riche.

Elle est le reflet de sa génération.

Elle n’est pas seule : toutes ses amies font de même. Toutes se retrouvent après l’école sur internet pour discuter de leur journée, de la prochaine grande vedette de la musique, des hauts et des bas des relations entre les gars et les filles. Elles ne ressentent souvent même pas le besoin de se rencontrer face à face. Leur avatar suffit amplement à la tâche.

Les temps ont beaucoup changé.

Cette tirade m’est inspirée d’une courte discussion que j’ai eue avec un ami sur l’avenir des médias de divertissement. Nous nous demandions quelle forme allait prendre les médias dans l’avenir. Allions-nous encore acheter des CD ou est-ce que nous pourrions nous procurer ces chefs-d’oeuvre que nous aimons tant sur de simples clefs USB? À quel genre de changement devrions-nous nous attendre?

En fait, et c’est là le noeud de ce texte, je crois que nous sommes présentement en train de vivre une des plus grandes révolutions sociales de l’histoire de l’humanité qui dépasse de loin les simples médias. Nous sommes en plein dans le vent de la tempête et c’est pourquoi nous n’en voyons pas encore tous les tenants et aboutissants. Oublions les années 60. Oublions la révolution industrielle, la révolution informatique, l’âge de pierre, l’âge de bronze, l’âge de fer. Nous entrons de plain-pied dans l’Âge de la plénitude.

Avec les réseaux informatiques omniprésents et les outils de recherche de plus en plus sophistiqués, nous sommes à l’orée d’une véritable transformation majeure de notre façon d’interagir socialement, légalement, économiquement et politiquement. Le monde ne sera plus jamais le même.

Aujourd’hui, nous sommes témoin des premiers pas vers un univers où tous sont branchés en permanence sur le réseau global. Alors qu’il y a à peine quelques années, nous devions aller à la bibliothèque pour y faire nos recherches, aujourd’hui, c’est du confort tranquille de notre salon que nous procédons grâce à l’internet. Mais ce n’est pas tout. Les téléphones intelligents, les Blackberry et iPhone de ce monde, nous garde en contact avec le réseau presque partout et en tout temps. Dès qu’une connexion cellulaire existe, Google, courriel, messagerie instantanée sont accessibles, peu importe ce qu’on fait, où l’on est, à quel moment nous nous trouvons. Les ordinateurs portables, les « notebooks », les téléphones intelligents ne sont qu’un avant-goût de ce qui nous attend.

Ma génération s’est évertuée à définir les codes de cette nouvelle ère et nos enfants naissent et les intègrent à leur mode de vie. Nous passons le flambeau fièrement sachant que cet avenir ne nous appartient plus.

Alors que nous sommes encore attachés à la matérialité des objets, cherchant toujours à lier ensemble réalité et virtualité, nos enfants ignorent la relation artificielle qui existe entre le virtuel et le réel. Pour eux, les « objets » n’ont de valeur que dans leur contexte respectif, soit la réalité matérielle, soit l’univers virtuel, sans y voir le paradoxe que nous y avons associé. Il n’y a pas moins de valeur existentielle à une réalité virtuelle aux yeux de cette nouvelle génération parce qu’ils intègrent déjà l’étrange façon de détacher l’objet fait de matière et qui existe concrètement de l’idée d’un objet fait d’une série de bits qui n’existent que dans l’univers virtuel d’un ordinateur.

Written by Le barbare érudit

2 avril 2009 à 9 09 26 04264

Publié dans Général

3 Réponses

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  1. Tu m’impressionne vraiment ÉNORMMENT mon Nelson,Tu as vraiment l’écriture facile et meme lorsque tu étais toit petit tu impressiennais ma famille et mes amis…..
    Je t’aime vraiment beaucoup
    maman xoxoxo

    Ta mere Patricia

    5 Mai 2009 at 8 08 39 05395

  2. […] loin. J’espère que vous l’aimerez autant que j’ai du plaisir à l’écrire. L’âge de la plénitude Je ne crois pas Athéisme, prise 2 Deux […]

  3. […] C’est un changement de paradigme. On passe d’un monde ancré dans la matérialité vers un monde ou l’immatérialité, les idées, l’information au sens large, deviendra la seule réalité. Il s’agit d’un sujet qui me touche profondément. J’ai déjà écrit sur ce sujet : […]


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